Famille
chamito-sémitique
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N |
Groupe |
Nombre |
Langues |
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chamite |
3 |
égyptien ancien*, moyen égyptien*, nouvel égyptien*, démotique*, copte (religieuse) |
2 |
sémitique |
73 |
akkadien*, éblaïte* babylonien*, ougaritique*, cananéen*, moabite*, cananéen*, phénicien*, samaritain*, araméen, assyrien, chaldéen, hébreu, etc. arabe classique, arabe dialectal, maltais amharique, tigrinia, tigréen, argobba, etc. |
3 |
berbère |
29 |
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4 |
tchadique |
192 |
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5 |
couchitique |
47 |
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6 |
omotique |
28 |
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* = langue éteinte
Les langues de la famille chamito-sémitique — appelée également afro-asiatique — couvrent une aire géographique considérable, qui s’étend du nord de l’Afrique (du Maghreb jusqu’au Nigeria et une partie du Cameroun, en passant par l’Éthiopie, l’Érythrée et la Somalie) et de l’île de Malte, ainsi que dans tout le Proche-Orient, pour s’arrêter aux frontières de l’Iran (quelques îlots d’arabophones).
L’appellation de chamito-sémitique attribuée à ces langues est une pure invention des linguistiques de la fin du XVIIIe siècle, d'où cette appellation controversée. Sous l’influence de la Genèse (Bible judéo-chréteinne), les linguistes europens présentèrent les Hébreux, les Araméens, les anciens Égyptiens et les Arabes comme les descendants de Sem (d’où sémitique) et de Cham (d’où chamite), les fils du patriarche Noé. Quant à Koush, un fils de Cham, dont les descendants auraient habité le sud de l’Égypte, il aurait donné son nom à l’Éthiopie, d’où la création par la suite du terme couchitique pour désigner les langues de ce pays. On a inventé plus récemment le mot tchadique pour désigner les langues de la région du lac Tchad. Enfin, les langues dites omotiques sont parlées en Éthiopie dans la région du fleuve Omo.
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Finalement, les linguistes rassemblèrent les langues de l'Asie de l'Ouest et de l'Afrique du Nord présentant des similitudes entre elles en une grande famille appelées afro-asiatiques. Certaines des langues de la famille chamito-sémitique (ou afro-asiatique) ont, dans l’Antiquité, été de très grandes langues de civilisation. Pensons seulement à l'égyptien, au babylonien, au sumérien, au phénicien, à l’araméen, etc. La plupart de ces langues sont aujourd'hui disparues, à l'exception du copte, resté une langue liturgique, et de l’araméen, parlé par moins de 100 000 locuteurs. |
De toutes les langues chamito-sémitiques actuelles, l’arabe, avec ses variétés dialectales, constitue sans aucun doute l’idiome parlé par le plus grand nombre de locuteurs (au moins 200 millions). Avec près de 300 millions de locuteurs dans le monde, les langues de la famille chamito-sémitique font partie des familles les plus importantes du monde, tant par leur histoire que par leur nombre et leur distribution géographique de leurs locuteurs.
Le groupe chamite ne compte qu’une seule langue, l’égyptien (3000 ans avant notre ère), qui a donné naissance à l'égyptien ancien, à l'égyptien moyen, au nouvel égyptien, au démotique, puis au copte. La langue égyptienne s'étale pratiquement sur quelques milliers d'années. Son évolution commence avec l'ancien égyptien dont la plus ancienne forme remonterait à près de 3000 avant notre ère. C'est la langue qu'on retrouve dans les textes des pyramides et des inscriptions de la IIIe à la VIe dynastie de l'Ancien Empire. Les premières attestations du moyen égyptien (ou égyptien classique) sont apparues vers 2100 avant notre ère; cette langue, qui a survécu durant environ 500 ans, demeure la «langue des hiéroglyphes» dans histoire de l'Égypte antique, lors de la période du Moyen Empire. Sous la XVIIe dynastie, le moyen égyptien a été adopté comme langue officielle (textes littéraires, inscriptions royales, documents administratifs, etc.); on le retrouve aujourd'hui sur les inscriptions des sarcophages. Quant au nouvel égyptien (ou néo-égyptien), il a remplacé en Haute Égypte le moyen égyptien dans la langue parlée (après l'an 1600 avant notre ère) et est resté en usage jusqu'aux environs de l'an 600 (avant notre ère). Le nouvel égyptien a été employé dans les documents officiels durant la période s'étendant entre les XIXe et XXVe dynasties.
Pour ce qui est du copte (du grec Aiguptos signifiant «égyptien), c'est le dernier maillon dans l'évolution de l'ancien égyptien. Attesté dès le IVe siècle avant notre ère, le copte a été employé par les paysans de Haute Égypte jusqu'au au XVIIe siècle et reste aujourd'hui la langue liturgique de l'Église copte orthodoxe (environ 6,5 millions d'adeptes). L'écriture copte est la transcription de la langue égyptienne en lettres grecques complétée par sept caractères démotiques pour rendre les sons qui n'existaient pas en grec. On sait qu'en 642 l'Égypte fut conquise par les Arabes qui arabisèrent et islamisèrent la région avant d'entreprendre la conquête d'une partie du monde.
Certaines langues sémitiques sont attestées depuis 2000 ans avant notre ère (akkadien, ougaritique, éblaïte, etc.). Dans le groupe sémitique, seuls l’arabe (200 millions de locuteurs), l'amharique (20 millions de locuteurs dans le monde), le tigrinia (6 millions) et l’hébreu (4,6 millions) constituent des langues officielles, soit dans 23 États pour l'arabe, en Éthiopie pour l'amharique, en Érythrée pour le tigrinia et en Israël pour l'hébreu. La plupart des autres langues sémitiques (73 au total) parlées aujourd’hui sont utilisées en Éthiopie et en Érythrée.
3.1 La langue arabe
L'arabe, pour sa part, doit sa formidable expansion à partir du VIIe siècle grâce à la propagation de l'islam, la diffusion du Coran et la puissance militaire des Arabes. Ces trois facteurs sont intimement liés au point qu'on ne peut que difficilement les dissocier. La langue arabe se présente sous deux formes principales: l'arabe dialectal et l'arabe littéraire (ou arable classique ou arabe du Coran). L'arabe dialectal résulte à la fois de la fragmentation de l'arabe du VIIe siècle et de la fusion des parlers provenant des conquêtes militaires et des brassages de population des langues sud-arabiques, berbères, africaines, etc. Ces variétés dialectales sont, de nos jours, extrêmement nombreuses et persistent dans tout le monde arabe. L'arabe dialectal est la langue que chacun des 200 millions d'arabophones utilise toute sa vie et qui véhicule toute une culture populaire, traditionnelle et contemporaine. Il est fortement dévalorisé au plan social et est souvent perçu comme «vulgaire» ou «abâtardi». C'est donc une langue exclusivement parlée dont les variétés sont souvent incompréhensibles entre les arabophones. On distingue principalement l'arabe algérien, l'arabe égyptien, l'arabe irakien, l'arabe jordanien, l'arabe libanais, l'arabe libyen, l'arabe marocain, l'arabe mauritanien, l'arabe omanais, l'arabe palestinien, l'arabe saoudien, l'arabe syrien, l'arabe tchadien, l'arabe tunisien, l'arabe yéménite, etc.
Au contraire, l'arabe classique, appelé aussi arabe éloquent ou arabe grammatical, est une langue prestigieuse associée à la religion et à l'écrit, c'est-à-dire à la culture littéraire, à la science, à la technologie et aux fonctions administratives. De très forts liens historiques et idéologiques unissent ces deux formes d'arabe; c’est pourquoi les communautés arabes ont toujours considéré qu'il n'existe qu'une langue arabe. Sur le continent africain ainsi qu’au Proche-Orient, l’arabe est officiel dans 23 États, ce qui en fait une langue de très grande diffusion.
3.2 L'écriture arabe
L'alphabet arabe moderne et l'alphabet hébreu se sont développés à partir de la variante araméenne, laquelle a également donné naissance à l'alphabet grec. L'araméen a été supplanté à son tour par l'arabe. L'illustration de droite représente le mot Xavier en arabe moderne.
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L'alphabet arabe est composé de 28
lettres. Il s'écrit
de droite à gauche,
contrairement à l'alphabet latin. Comme
pour le français, la position de la lettre par rapport à ligne d'écriture
est importante.
L'une des originalités de cette écriture est qu'elle est consonantique, c’est-à-dire que seules les consonnes sont en général écrites ainsi que les voyelles longues; l’arabe est une langue dans laquelle les voyelles ne servent qu’à préciser la fonction grammaticale du mot et non son sens. Mais chaque lettre possède une forme différente selon sa place dans le mot. L'écriture arabe sert à noter de nombreuses langues non chamito-sémitiques: des langues iraniennes (farsi), turques (le turc sous l'Empire ottoman jusqu'en 1928), indiennes (ourdou), austro-asiatiques (malais) et africaines. Pour noter les sons de ces langues qui n'existent pas en arabe, on utilise des points ou des signes diacritiques conférant à la lettre arabe une nouvelle valeur phonétique. |
Quant aux chiffres dits «arabes» utilisées en Occident, ils constituent la forme maghrébine des chiffres indiens (entre le Ie et le VIIe siècle), les Arabes ayant, au moment des croisades, servi de relais depuis l'Inde jusqu'en Occident. On devrait plutôt parler de «chiffres indo-arabes». C'est le pape Sylvestre II qui, vers l'an 1000, a imposé, non sans difficulté, ce système à la chrétienté (encore restée aux chiffres romains ou grecs ). Les premières apparitions en Europe des «chiffres arabes» se trouvent dans deux manuscrits espagnols écrits en latin, en 976 et 992.
Les langues berbères sont parlées au Maroc, en Algérie et en Libye, avec quelques îlots en Tunisie, au Niger et au Mali. Ces langues sont fragmentées en une trentaine de variétés et elles doivent affronter la concurrence de l'arabe. Néanmoins, elles sont parlées par plus de 20 millions de locuteurs. Les langues les plus connues sont les suivantes: tamazight, kabyle, tachelhit, tamasheq, jerba, chaouïa, judéo-berbère, etc. Le berbère possède son système propre d'écriture, de grammaire et de syntaxe. On peut consulter une carte linguistique des langues berbères en Afrique en cliquant ICI.
On compte un peu moins de 200 langues tchadiques (peut-être 140), mais la plupart sont des langues utilisées par peu de locuteurs. De plus, ce ne sont pas des langues reconnues par les États, sauf pour ce qui est du haoussa parlé par environ 22 millions de locuteurs dans le monde (Bénin, Burkina Faso, Cameroun, Ghana, Niger, Nigeria, Soudan, Togo, Tchad). Depuis les années quatre-vingt, près d’une vingtaine d’États non souverains de la fédération nigériane ont rendu le haoussa co-officiel avec l’anglais à leur chambre d’Assemblée. Au Nigeria, le haoussa est parlé par plus de 18 millions de locuteurs et par au moins 50 % de la population comme langue seconde. Au Tchad, les langues tchadiques sont parlées dans les régions du lac Tchad, du Moyen-Chari et du Logone, une partie du Guéra et le Ouaddai occidental.
On compte moins de 50 langues couchitiques attestées depuis la frontière sud de l'Égypte jusqu'au nord de la Tanzanie. Elles sont parlées en Éthiopie, en Érythrée, en Somalie, au Kenya et en Tanzanie. La seule langue reconnue officiellement est le somali (8,3 millions de locuteurs dans le monde) en Somalie, mais il en existe plusieurs autres comme le sidamo, le galla, l'afar, le gédeo, le bédja, le bédawi, etc.
Les 28 langues omotiques sont parlées dans la région du bassin du fleuve Omo en Éthiopie. Ce sont généralement de petites langues parlées par un nombre restreint de locuteurs, mais certaines de ces langues comptent néanmoins beaucoup de locuteurs: il s'agit d'abord du wolaytta (2 millions), puis du gamo (780 000), du yemsa (500 000), du seze (109 000), du basketto (82 000) et du melo (80 000). L'appartenance du groupe des langues omotiques à la famille chamito-sémitique fait présentement l'objet de controverses.
En somme, les langues dites «chamito-sémitiques», en tant que famille linguistique, ne sont pas scientifiquement fondées, car cette «famille» n'a jamais été reconstruite par la méthode de la linguistique historique, laquelle est comparative et inductive; on sait que cette méthode, appliquée depuis longtemps à l'indo-européen, a fait les preuves de sa pertinence et de sa validité, mais elle n'a jamais été appliquée aux langues chamito-sémitiques. Donc, c'est par tradition ou par habitude qu'on parle encore de langues chamito-sémitiques ou afro-asiatiques.